La vie Omar Khayyâm

N°996 — 2025-11-04 — Auteur: Le Dagda

I. Introduction
Au XIᵉ siècle, la Perse seldjoukide constitue un centre intellectuel majeur du monde islamique, avec des villes comme Nichapour, Samarcande et Ispahan où se côtoient mathématiciens, philosophes et astronomes. Omar ibn Ibrâhîm al-Khayyâm (1048-1131) y occupe une place singulière, à la fois savant, philosophe et poète. Ses travaux en algèbre, en astronomie et sa réforme du calendrier persan (Jalâlî) témoignent de sa rigueur scientifique, tandis que ses Rubâ’iyât révèlent un esprit sceptique et hédoniste (Pourjavady, 2009; Corbin, 1964).
II. Origines et formation
Omar Khayyâm naît à Nichapour dans un milieu de lettrés artisans. Les biographies médiévales relatent qu’il lut à sept reprises les traités d’Ibn Sînâ et les recopia de mémoire, illustrant sa précocité intellectuelle (al-Qiftî, Ta’rîkh al-Hukamâ’; al-Bayhaqî, Târîkh-i Bayhaq). Sa formation inclut mathématiques, logique, philosophie et sciences naturelles. Il fréquente ensuite Samarcande et Ispahan, approfondissant l’algèbre et la géométrie, et rédige un Risâla sur la classification géométrique des équations cubiques (Rashed, 1994).

III. Le savant d’Ispahan
Invité par Nizam al-Mulk à Ispahan, il participe à la construction d’un observatoire royal. Sa principale réalisation est la réforme du calendrier persan, instaurant le calendrier Jalâlî, plus précis que le calendrier julien de l’époque (Ritter, 1879; Pourjavady, 2009). Ses travaux astronomiques incluent l’établissement de tables et la mesure des années solaires avec une précision remarquable. Il rédige également des traités d’algèbre, contribuant à la diffusion de méthodes pour résoudre les équations cubiques et quadratiques.

IV. Philosophe et homme face au pouvoir
Omar Khayyâm refuse les charges administratives proposées par Nizam al-Mulk, préférant se consacrer aux sciences et à l’enseignement. Cette posture illustre sa vision éthique : la valeur de l’homme se mesure à son savoir et à son désintéressement plutôt qu’au pouvoir politique (Corbin, 1964). Il conseille Hasan-i Sabbâh pour les fonctions officielles, évitant ainsi les intrigues de cour, et continue de produire horoscopes et observations astronomiques.

V. Hasan-i Sabbâh et la secte des Assasiyoun
L’amitié avec Hasan-i Sabbâh conduit à un épisode historique majeur. Hasan fonde la secte ismaélienne nizârite à Alamut en 1090, destinée à influencer le Proche-Orient par l’assassinat ciblé (fidaï), bien que la légende du haschich soit historiquement improbable (Daftary, 1990). Le terme Assasiyoun signifie « fondement de la foi », et non « usagers de haschisch ».

VI. Le poète des Rubâ‘iyât
Les Rubâ‘iyât sont composés de quatrains portant sur le temps, la mort, la religion, et l’éphémère. Elles traduisent un scepticisme philosophique et un hédonisme raisonné, influencés par l’avicennisme et par la culture persane classique. Les manuscrits originaux ont été dispersés et certains conservés à Alamut jusqu’à la chute de la forteresse par les Mongols en 1256 (Arberry, 1949; Jullien, 2003).

VII. Mort et postérité
Omar Khayyâm meurt à Nichapour en 1131. Son héritage scientifique inclut les tables astronomiques, le calendrier Jalâlî, et les traités d’algèbre. Sa postérité poétique s’étend à l’Occident grâce aux traductions de Fitzgerald et autres orientalistes. Il demeure une figure symbolique de l’union entre rigueur scientifique et liberté intellectuelle.
VIII. Conclusion
Omar Khayyâm illustre l’idéal du savant indépendant, combinant observation, rigueur, poésie et réflexion éthique. Sa vie et son œuvre montrent l’articulation entre savoir scientifique et quête existentielle, et offrent un témoignage durable de la civilisation intellectuelle persane du XIᵉ siècle.


Références
• al-Qiftî, Ta’rîkh al-Hukamâ’, XIIᵉ s.
• al-Bayhaqî, Târîkh-i Bayhaq, XIIᵉ s.
• Pourjavady, N., Omar Khayyâm, Téhéran, 2009.
• Corbin, H., Histoire de la philosophie islamique, Gallimard, 1964.
• Rashed, R., Les mathématiques arabes, PUF, 1994.
• Daftary, H., The Isma'ilis: Their History and Doctrines, Cambridge, 1990.
• Arberry, A.J., Omar Khayyâm: Rubáiyát, 1949.
• Jullien, F., Orient et Occident: Figures du Scepticisme, 2003.
• Ritter, H., Geschichte der Astronomie im Altertum und Mittelalter, 1879.

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