Les Ismaéliens : origines et doctrines
1. Contexte historique
Les Ismaéliens forment une branche du chiisme, issue d’une division au sein du chiisme duodécimain au VIIIᵉ siècle, à propos de la succession de l’Imam. Les chiites reconnaissent Ali et sa descendance comme guides légitimes, mais les Ismaéliens se distinguent par leur reconnaissance de la lignée spécifique menant à Ismâ’îl ibn Jafar, fils de l’Imam Ja‘far al-Sâdiq.
• Leur émergence se produit dans un contexte de forte centralisation abbasside et de pressions politiques sur les communautés chiites dissidentes.
• Au XIᵉ siècle, les Ismaéliens se structurent en mouvements organisés, avec des réseaux clandestins et une hiérarchie rigoureuse, sous la direction spirituelle de l’Imam Caché (al-Imam al-Mahdî), considéré comme le successeur légitime du Prophète et de la lignée d’Ali.
2. Doctrine et pratiques
• Leadership spirituel : L’Imam Caché est invisible mais guide la communauté par ses représentants (da‘î). La connaissance ésotérique (ta’wîl) est réservée aux initiés.
• Éthique et discipline : Les adeptes pratiquent une discipline stricte et la fidélité à l’Imam est primordiale. Le secret et la prudence politique sont essentiels à la survie de la communauté.
• Dimension politique : Certains groupes, comme la secte nizârîe fondée par Hasan-i Sabbâh, combinent foi et stratégie militaire, utilisant le réseau des forteresses et des fidèles dévoués (fidaï) pour peser sur les affaires locales et régionales.
3. Les Nizârites et Alamut
• Hasan-i Sabbâh fonde le bastion d’Alamut en 1090, qui devient le centre de la branche nizârîe. La forteresse sert à la formation religieuse, au contrôle politique et à la diffusion de la doctrine ismaélienne.
• L’organisation repose sur un réseau centralisé, où les fidaï peuvent accomplir des missions extrêmes, notamment des assassinats ciblés, en vertu d’une lecture stricte et pragmatique de l’idéologie religieuse (Daftary, 1990).
4. Influence et postérité
• Les Ismaéliens, et en particulier les Nizârites, jouent un rôle durable dans l’histoire politique et religieuse du Proche-Orient, en particulier dans le nord de l’Iran et la Syrie.
• Leur réputation, souvent déformée par les chroniqueurs contemporains et les légendes occidentales sur les « assassins », cache une organisation sophistiquée, combinant enseignement ésotérique, stratégie politique et résistance militaire.
Sources principales :
• Daftary, H., The Isma'ilis: Their History and Doctrines, Cambridge, 1990.
• Lewis, B., The Assassins: A Radical Sect in Islam, London, 1967.
• Modarressi, H., Crisis and Consolidation in the Nizari Isma'ili State, 1993.
• Hodgson, M.G.S., The Venture of Islam: Conscience and History in a World Civilization, 1974.